Le JPEG s’est imposé depuis plusieurs années comme le format de prédilection sur internet, mais aussi en local. Il faut dire que ce format, apparu au tournant des années 1990, a de nombreux avantages : il compresse les images et permet d’obtenir des fichiers de taille modeste tout en préservant la qualité du rendu final. Il souffre pourtant du poids des années et d’autres formats, plus efficaces, essaient régulièrement de le détrôner, jusque-là sans succès. Est-ce que le BPG fera mieux ? En tout cas, il a quelques solides arguments à faire valoir.
Pour détrôner le JPEG, il faudra battre le fichier là où il est le plus fort, c'est-à-dire sur le taux de compression. Et c’est précisément le point fort du BPG : basé sur le H.265 — un codec vidéo qui doit succéder au H.264 —, il génère des fichiers beaucoup, beaucoup plus petits sans perte de compression majeure. Nous avons encodé une photo prise avec un iPhone 6 Plus qui pèse 2 Mo dans son format par défaut, le JPEG justement.
Une fois convertie en BPG, elle pèse environ 150 Ko, et comme vous pouvez en juger sur cette capture d’écran, la différence reste limitée. On peut noter que la photo perd légèrement en netteté sur certaines zones (notamment sur la purée verte), mais il faut vraiment regarder de près pour voir la différence. Et s’il s’agit de publier une image sur internet, la différence sera probablement oubliée, alors que le gain côté poids reste très important.
Certes, on comparait la photo directement prise avec un iPhone et on pourrait baisser le poids de l’image, sans réduire la qualité. Un passage dans JPEGmini puis dans ImageOptim plus tard, le fichier pèse 920 ko. C’est mieux, mais le BPG reste bien meilleur. Si on essaie maintenant de passer le JPEG dans la zone des 150 Ko sans toucher aux dimensions de l’image, l’intérêt de ce nouveau format est encore plus évident.
En exportant la même photo en JPEG en qualité minimale et en l’optimisant à nouveau, on obtient un fichier de 158 Ko. Et en comparant ce fichier à l’image convertie en BPG, on peut voir nettement la différence. Les artefacts liés à la compression commencent à vraiment se voir, là où le nouveau format reste d’excellente qualité.
Et encore, nous nous sommes contentés d’utiliser les réglages par défaut pour le BPG : on pourrait encore réduire considérablement le fichier final en modifiant les paramètres de la conversion. Comme le montre ce site qui permet de confronter le BPG à diverses variantes de JPEG et au WEBP de Google, ce nouveau format excelle pour les petites tailles. Quand on cherche à optimiser au maximum une image, le JPEG perd en qualité là où son concurrent reste à un bon niveau. Essayez, c’est vraiment bluffant !
Dans ces conditions, l’adoption du BPG devrait être une évidence… mais il y a encore quelques inconvénients majeurs à ce jour. D’une part, la compression est très lente : pour reprendre l’exemple de notre photo prise à l’iPhone qui pèse 2 Mo, il faut compter environ 50 secondes pour la conversion, avec les réglages par défaut. Et encore, il s’agit d’une conversion assez facile, puisque le fichier de base est assez petit : imaginez si vous avez à convertir des fichiers JPEG de plus de 10 Mo…
Ce problème de performances est toutefois temporaire : le H.265 est un format trop récent, qui n’est pas encore pris en charge par notre matériel, au contraire du H.264 qui est codé et décodé grâce aux composants présents dans nos Mac. À terme toutefois, ces composants seront améliorés pour gérer ce nouveau codec et on devrait avoir des performances bien meilleures. Au passage, notons que le décodage du fichier est beaucoup plus rapide : environ trois secondes avec notre fichier d'exemple. En sortie, on obtient uniquement un PNG à ce stade.
L’autre problème majeur, naturellement, c’est la prise en charge du fichier. Une fois que vous aurez créé un BPG, vous ne pourrez rien en faire : il ne s’affiche ni dans le Finder, ni avec Coup d’œil, Aperçu ne l’ouvre pas, ni aucun autre logiciel. Son concepteur a trouvé une solution astucieuse, mais malgré tout un peu bancale pour le web : un fichier JavaScript convertit les fichiers à la volée en Base64, ce qui permet de les afficher dans n’importe quel navigateur.
Ce n’est clairement pas une solution viable sur le long terme et le BPG est ainsi encore loin de s’imposer à la place du JPEG. Reste que le format est vraiment intéressant, bien plus que le WEBP, par sa capacité à compresser les images sans réduire leur qualité. Pour une publication sur internet, les fichiers obtenus suffisent 90 % du temps, si bien que de gros acteurs pourraient s’y intéresser à terme.
On est encore loin d’enterrer le JPEG, mais qui aurait pensé en 2000 que l’outil de compression vidéo FFMPEG allait avoir une telle importance (il est utilisé partout aujourd'hui) ? On le doit pourtant également à Fabrice Bellard, développeur français qui a aussi inventé ce nouveau format d’image. Dans ces conditions, l’espoir reste permis et le BPG est incontestablement un candidat intéressant pour remplacer le JPEG.
En attendant, si vous voulez vous amuser avec ce nouveau format, le code source est disponible sur le site du projet et vous trouverez tout ce qu’il faut pour compiler les sources et obtenir des exécutables. Si vous êtes sur Mac et que vous avez déjà installé le gestionnaire de paquets homebrew, il vous suffit de cette ligne pour l’installer : brew install libbpg
. Une fois que c’est fait, vous pouvez convertir des fichiers en utilisant la commande bpgenc
puis l’adresse de l’image originale.
Par ailleurs, notre développeur a déjà mis à jour son plugin Coup d’oeil pour afficher les fichiers BPG. Téléchargez qlImageSize à cette adresse (lien direct), déplacez le fichier obtenu dans /Bibliothèque/QuickLook
et rouvrez votre session. À partir de là, vous aurez un aperçu en utilisant la barre espace et même des icônes adaptées. Si vous voulez essayer sur votre Mac, la photo JPEG utilisée dans cet article et l’équivalent en BPG sont disponibles à cette adresse.
Malheureusement, vous ne pourrez pas faire beaucoup plus pour le moment. À notre connaissance, aucun éditeur d’image ne permet d’ouvrir ce format, encore moins le modifier. On est encore loin d’une utilisation aussi simple que le JPEG, mais il n’en reste pas moins que ce BPG mérite d’être suivi, car c’est un format vraiment intéressant. Sans compter qu’il a d’autres avantages que l’on n’a pas évoqués, comme la prise en charge de la transparence ou encore la possibilité d’aller au-delà de 8 bit par canal pour l’encodage des couleurs, deux fonctions réservées jusque-là au PNG.
Image de une : Kyle May
Source : MacPlus