En décembre dernier, la Commission européenne couchait sur le papier deux gros paquets législatifs désormais en cours de discussion avec les États membres… et qui force l'industrie à multiplier les opérations de lobbying, en particulier celle du numérique.
Le Digital Markets Act (DMA) veut assurer une libre-concurrence entre tous les acteurs du numérique peu importe leur taille. Le Digital Services Act (DSA) cherche à réguler les contenus échangés sur les réseaux. Des sujets qui sont au cœur des modèles économiques des grandes entreprises, sans oublier les coups de Trafalgar de Margrethe Vestager, la commissaire en charge de la Concurrence.
Bruxelles dévoile deux textes pour encadrer les géants de l'internet
L'observatoire Corporate Europe et LobbyControl ont produit un rapport sur les efforts de lobbying des grands groupes qui cherchent à donner leurs points de vue aux législateurs européens. En 2020, l'industrie du numérique a dépensé un total de 97 millions d'euros, elle emploie 1 452 lobbyistes et représente 612 entreprises, groupes et associations. Apple rémunère 4,5 lobbyistes équivalents temps plein, contre 14 pour Facebook et 5,5 pour Google1.
C'est Google qui a le plus dépensé l'an dernier avec 5,75 millions d'euros pour ses opérations de lobbying auprès de la Commission. Facebook suit juste derrière avec 5,5 millions, puis Microsoft dans un mouchoir de poche (5,25 millions). Apple est à la quatrième place avec 3,5 millions. En dehors de ces gros poissons, il existe toute une myriade d'entreprises qui veulent avoir voix au chapitre : 75% dépensent moins de 200 000 € pour leur lobbying (pour 25% de ces dernières, la facture est de moins de 5 000 €).
Depuis décembre 2019, les lobbyistes de Google ont eu 46 réunions avec la commission Von der Layen. Facebook et Microsoft en ont eu 40, tandis qu'Amazon s'est contenté de 20 réunions. Apple et Huawei ont eu droit à 14 rendez-vous. Le DMA et le DSA ont occasionné jusqu'à présent 271 réunions, dont 132 avec les entreprises.
Les dix plus grandes plateformes du numérique et infrastructures (équipementiers, opérateurs) ont dépensé un total de 32,75 millions d'euros. Les seuls Google, Amazon, Facebook, Microsoft et Apple y ont investi 23 millions. Des sommes à comparer avec d'autres industries : les dix plus grandes entreprises de la chimie ont dépensé 17,75 millions d'euros, les constructeurs automobiles 9,85 millions, le secteur de la finance 12 millions.
L'Union européenne est petit à petit devenue un champ de bataille pour les entreprises du numérique, puisqu'en 2013, les dépenses de lobbying de Google, Facebook, Microsoft, Apple et Amazon se limitaient à 7,3 millions, le tiers des dépenses de ces sociétés l'an dernier.
Les discussions autour du DMA et du DSA se poursuivent donc, et en façade, les grands groupes se disent d'accord avec les grandes lignes, Mais dès qu'on entre dans les détails, ça coince. Apple entend ainsi bien éviter de trop ouvrir iOS. La Pomme a ainsi eu l'occasion de déclarer que les propositions de la Commission auraient « de sérieuses implications pour l'économie numérique européenne ». En juin, Tim Cook déclarait son hostilité au Digital Market Act :
Pour Tim Cook, forcer le sideloading comme le voudrait Bruxelles « détruirait » la sécurité de l'iPhone
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Huawei, considéré comme équipementier plutôt que plateforme, emploie 19 lobbyistes, Qualcomm 9, Intel 8,25. ↩︎