« Adobe sort le carnet de chèques pour étouffer la concurrence », disions-nous lorsqu’elle a mis 20 milliards de dollars sur la table pour s’offrir Figma, l’éditeur vectoriel de référence pour le prototypage d’interfaces en collaboration. C’est précisément ce qui pose problème à la Commission européenne, qui annonce ouvrir « une enquête approfondie » sur ce projet d’acquisition.
Adobe a débranché XD face à la concurrence frontale (et fructueuse) de Figma, qui s’est offert le luxe de doubler le mastodonte sur le terrain du brainstorming avec le tableau blanc FigJam. Le montant de l’acquisition, 20 milliards de dollars, couronne le succès de Figma. Faussement naïve, la Commission européenne se demande « si l’opération est susceptible d’évincer des fournisseurs concurrents d’outils interactifs de conception de produits en liant Figma à la suite Creative Cloud d’Adobe. »
Adobe s’est toujours réinventée au travers de ses acquisitions : elle a investi le champ de la PAO en achetant Aldus et Frame dans les années 1990, a pris le virage du web en mettant la main sur Macromedia et Omniture dans les années 2000, est allée chercher son chef produit chez Behance, et veut concevoir le futur de la réalité augmentée avec la gamme de produits Substance conçue par l’entreprise française Allegorithmic. Entretemps, la petite entreprise de San José est devenue la figure tutélaire de la création numérique.
Or la Commission européenne doit « apprécier les fusions et les acquisitions entre entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse certains seuils » pour « empêcher les concentrations qui entraveraient de manière significative l’exercice d’une concurrence effective » dans l’espace économique européen. Cette acquisition éliminerait un concurrent sans qu’un autre ne puisse prendre la relève. Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, souhaite que « les utilisateurs continuent de pouvoir choisir parmi un large éventail d’outils ».
La Commission enquête déjà sur l’acquisition d’iRobot par Amazon, ainsi que sur le projet de fusion entre Orange et MásMóvil en Espagne. Les autorités britanniques ont déjà ouvert leur propre enquête sur l’acquisition de Figma, dont les conclusions ont été repoussées au 27 décembre prochain, faute de concessions de la part d’Adobe. La Commission européenne se donne jusqu’au 14 décembre pour statuer, en se réservant la possibilité de livrer ses conclusions le 8 janvier 2024.