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Antennagate : crise de communication ou de management ?

La redaction

Friday 30 July 2010 à 15:15 • 81

AAPL

La mauvaise série pompeusement appelée "Antennagate", a surtout été le révélateur un peu tardif d'un déphasage entre la stratégie de la firme de Cupertino et la stature internationale qu'elle a atteint aujourd'hui. Sans gestion de sa communication de crise, l'entreprise s'est laissée dicter son attitude par les médias et a bâclé une partie de la commercialisation de l'iPhone 4. Un indice supplémentaire d'une nécessaire réorganisation ?

Botter en touche, attendre que la tempête s'éteigne d'elle-même, pour finalement aller dans le sens du vent. C'est la voie suivie par Apple au fil de l'Antennagate, qui bien au-delà des simples problèmes techniques d'antenne, a totalement raté sa communication de crise et démontré qu'elle n'avait pas encore pris la mesure de son changement de taille et de stature. Revenons d'abord sur les faits. Comme toute crise rencontrée par les entreprises, l'Antennagate a commencé par une phase de gestation. Celle-ci va se développer sur quatre jours, entre le 22 et le 25 juin dernier.

stevejobsperfect


Une phase de gestation

Le 22 juin, deux jours avant la commercialisation de l'iPhone 4, Walt Mossberg, chroniqueur du Wall Street Journal, écrit dans un article passant en revue le nouveau téléphone : « …dans certains endroits, où la réception du signal est particulièrement faible, l'iPhone 4 ne montre aucune barre de réception ou moins de barres que ses prédécesseurs. Apple indique qu'il s'agit d'un bogue dont la correction est prévue, et qu'il s'agit d'un problème de présentation des barres, et non d'une absence de faculté du téléphone à passer un coup de fil. Et l'iPhone 4 était effectivement en mesure de permettre les appels, malgré l'absence de barres. Malgré tout, en au moins 6 occasions durant mes tests, le nouvel iPhone n'indiquait aucun service ou cherchait un réseau, alors que l'ancien iPhone, que je tenais dans l'autre main montrait au moins deux barres. Ni Apple, ni AT&T n'avaient d'explication pour cela. L'iPhone 4 retrouvait rapidement un réseau dans ces occasions, indiquant la présence du service après quelques secondes. Mais le trouble n'en était pas moins là. ».

Le journaliste technologique le plus courtisé par Apple joue ici le rôle de Cassandre. Il est le premier, mais il ne sera pas le seul. Le lendemain 23 juin, l'affaire prend un tour plus dramatique en fin de soirée : le site Engadget fait état de problèmes de réception, et iLounge se fend d'une vidéo démontrant le talon d'Achille de l'iPhone. Conclusion sous-tendue : pour que toutes les barres apparaissent, il vaut mieux ne pas avoir l'appareil dans les mains. Il ne reste alors que quelques heures avant que les Apple Store n'ouvrent leurs portes pour vendre la nouvelle itération de "l'ordiphone".



Évidemment, le 24 juin, le problème technique ne passe pas inaperçu - rappelons qu'il s'agit en fait sans doute plus d'un artefact lié à la moindre expérience d'Apple dans le domaine de la téléphonie (lire aussi Réception iPhone 4 : ce que l'iOS 4.0.1 change), tout autant qu'un des petits secrets les mieux gardés de l'industrie des télécommunications.

Les premiers utilisateurs se plaignent de la perte du signal lorsque l'iPhone 4 est utilisé avec la main gauche. L'appareil va jusqu'à perdre les communications quand on couvre l'antenne. À partir du 25 juin, le problème va grandissant, alors qu'il est relayé par de plus en plus de sites Internet et d'organes de presse. Deux évènements majeurs interviennent ce même jour : d'une part, Apple réagit officiellement auprès d'Engadget. D'autre part, l'analyste de Kaufman Bros Shaw Wu prédit dans une note aux investisseurs que, dans le pire des cas, Apple s'en sortirait sans malus financier d'ampleur, qu'en fournissant gratuitement des étuis.

En fait, tous les éléments de la crise apparaissent dans les toutes premières heures avant et après la date de commercialisation du téléphone. Les jours et les semaines suivantes, l'effet de loupe classique des médias, la lettre d'information du 2 juillet et jusqu'à la conférence de presse du 16 juillet (vidéo) ne se présentent finalement que comme les rebondissements d'une histoire qui aurait pu être réglée dans les premières heures.

Une absence de préparation à la gestion de crise

La plupart des grandes entreprises, ainsi que certaines "célébrités" ou personnalités savent désormais qu'elles peuvent être confrontées à une crise et préparent en amont une procédure de gestion de crise. En France, à la suite des affaires de sang contaminé, de vache folle, ou de problèmes de fabrication au sein d'usines de groupes alimentaires, les crises sont généralement prises au sérieux, notamment en raison des impacts techniques, commerciaux, financiers ou juridiques qu'elles peuvent induire.

La gestion de ces impondérables s'articule autour d'un manuel de crise, qui détaille des scénarios et couvre les conduites à tenir. Une cellule de spécialisée est prévue pour prendre en main la situation, et une préparation à la communication de crise est généralement dispensée aux cadres dirigeants. Celle-ci doit leur permettre de préserver la réputation de la société et l'implication des salariés, qui sont le premier public de cette catégorie de communication.

L'Antennagate, de par la faible réactivité des cadres d'Apple, a surtout montré une faible préparation de la société à ce type de crise, alors même qu'elle a déjà essuyé des tempêtes à la suite de lancements de produits. Sur les dix dernières années, la firme de Cupertino a dû faire face à des défauts d'écrans (il n'y a pas si longtemps encore avec les premiers iMac 27"), problèmes de refroidissement, connecteurs défectueux, position par rapport au développement durable et au recyclage des déchets…

L'été dernier, Apple a même connu un scénario de répétition générale de l'Antennagate, alors qu'elle s'est trouvée confrontée à la crise des "iPhone craquelés". Une affaire quasiment franco-française qui a même forcé la filiale à dépêcher un de ses cadres auprès du Secrétaire d'État au Commerce.

« Lors du déclenchement d’une crise, le temps se comprime (…). La gestion d’une crise n’est affaire ni de jour, ni d’heure. C’est un impératif de minutes et de secondes. C’est à ce moment que l’équipe de direction entre dans une autre dimension où les repères habituels du management s’évanouissent. Un management de crise, dont la composante essentielle est le chronomètre, prend le relais » explique Pascal Ragot, un spécialiste de la communication de crise et de mediatraining qui a accompagné Whirlpool, Pionner ou Metaleurop.

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La prise en main immédiate de la communication se présente comme la clé du pan public de la gestion d'une crise. Les arguments de Steve Jobs destinés à minimiser l'absence de réactions adaptée d'Apple dès les premiers jours résistent difficilement à un décryptage de sa chronologie. Ainsi des 22 jours précédents la conférence de presse : si Apple disposait d'une cellule de veille ad hoc, celle-ci aurait dû avoir connaissance des remarques de Walt Mossberg dès avant le 22 juin, jour de parution de son article. La cellule de veille aurait ainsi pu lancer des alertes internes, au pire les 22, 23, 24 ou 25 juin, alors que les témoignages se multipliaient sur le Web. Et une cellule de crise aurait pu prendre immédiatement le relais.

Les arguments d'Apple concernant la volonté de l'équipe dirigeante de vérifier les faits s'avèrent en revanche totalement justifiés. Ils font partie d'un déroulement qu'on peut considérer comme logique dans ce genre de situation. Il est normal et surtout attendu lors d'une crise, que l'organisation qui en est la victime ou l'auteur soit transparente, si elle ne veut pas se trouver confrontée aux "trouvailles" des médias. Mais elle se doit de prendre le contrôle de sa communication sans perdre de temps et jouer franc-jeu. Apple n'a pas su prendre cette voie.

Un problème de taille d'entreprise ?

Jusqu'à présent, la communication d'Apple s'est appuyée sur son strict encadrement et sa propagation contrôlée, des rumeurs propagées jusqu'aux médias sélectionnés. Cette stratégie ne date pas d'hier. Apple l'a utilisée pour lancer le tout premier Mac en 1983 et 1984. Aujourd'hui, la firme suit un véritable cycle de marketing et de communication principalement piloté par Phil Schiller (Senior Vice President Worldwide Product Marketing). Une stratégie utilisée pour contrebalancer la taille jusqu'à récemment toute relative de l'entreprise et qui lui a permis de ne pas avoir à investir des budgets pharaoniques en publicité et en promotion.

La couverture médiatique et ses multiples ricochets à travers Internet suffisent pour lancer des produits en (très) grande pompe et représente des millions de dollars de publicité générés gratuitement par les organes de presse. L'iPhone 4 a bénéficié à plein de cette stratégie, mais l'émergence d'une crise au moment même de son lancement aurait pu tuer dans l'œuf la campagne de commercialisation du produit.

Quoi qu'il en soit, même si l'Antennagate semble à nouveau montrer qu'Apple n'a toujours pas mis en place de procédure de communication de crise, son impact sur les ventes du produit phare de la firme est relatif. C'est plus vraisemblablement l'amour-propre des équipes d'Apple et de son patron qui a été touché. La conférence de presse du 16 juillet a bien montré que la polémique avait affecté l'entreprise sur son cœur de métier, la conception d'appareils électroniques et sa capacité à réussir l'intégration matériel-logiciel.

Reste à Apple à tirer les leçons de cette histoire. Les cadres dirigeants de la firme n'avaient sans doute pas perçu le changement de paradigme dont l'entreprise a bénéficié ces derniers mois et surtout à l'occasion du succès du lancement de l'iPad, de l'accueil d'iOS4, de l'attention générée par l'iPhone 4, du dépassement par son titre de la capitalisation boursière de Microsoft, ainsi que de son rôle de second acheteur mondial de composants électroniques derrière HP. Des événements, certes tout symboliques, qui démontrent surtout qu'Apple n'est plus la "start-up" la plus regardée de la Silicon Valley, mais une compagnie d'une dimension internationale dont le fonctionnement et la communication (avec toutes les facettes que ce terme recouvre) se doivent d'être adaptés à sa nouvelle stature de Goliath de l'informatique mobile et nomade.

Si la stratégie de communication de surprise est tout à fait compréhensible dans une logique industrielle de défense des secrets de fabrication et de maximisation de l'impact de la commercialisation de nouveaux produits, le mutisme ou la dénégation lors d'événements postérieurs est incompréhensible. L'esprit start-up n'est-il pas trop ancré dans les gènes de l'entreprise pour qu'elle parvienne à mitiger sa communication de manière à endosser son nouveau statut de grande société internationale ? Seul l'avenir le révélera.

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