La Commission européenne inflige aujourd’hui une amende de 997 millions d’euros à Qualcomm pour abus de position de dominante dans le secteur des modems 4G LTE. À la suite d’une enquête entamée mi–2015, Bruxelles a conclu que Qualcomm, leader du marché, avait entravé la concurrence de manière illégale en versant à un client majeur des montants substantiels, à la condition que ce dernier ne s’approvisionne pas auprès de ses rivaux. Ce client, c'est Apple.
« L’entreprise a versé des milliards de dollars à un client majeur, Apple, pour que celui-ci ne s’approvisionne pas auprès de ses concurrents. Ces paiements n’étaient pas de simples réductions de prix, mais étaient effectués à la condition qu’Apple utilise exclusivement des chipsets de bande de base de Qualcomm dans tous ses iPhone et ses iPad », déclare Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la politique de concurrence.
« De par son comportement, Qualcomm a privé les consommateurs et d’autres entreprises d’un choix élargi et d’une plus grande innovation, alors que le secteur se caractérise par une forte demande et un fort potentiel pour les technologies innovantes. Cette pratique est illégale au regard des règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles », explique-t-elle.
C’est en 2011 que Qualcomm signe un accord avec Apple par lequel le fabricant de modems s’engage à verser de grosses sommes à son client à la condition que celui-ci se fournisse exclusivement chez lui. De son côté, Apple s’engage à rembourser une grande partie des paiements reçus si elle décide de changer de fournisseur. En 2013, l’accord est prolongé jusqu’à fin 2016. Durant toute cette période, les concurrents de Qualcomm sont dans l’impossibilité de remporter un contrat auprès d’Apple.
Or, l’enquête souligne qu’Apple a « sérieusement » envisagé de confier à Intel la fabrication d’une partie des modems des iPhone et iPad au cours de cette période. Ce n’est qu’en septembre 2016, quand l’accord est sur le point d’expirer, qu’Apple fait finalement appel à Intel pour une partie des modems de l’iPhone — l’iPhone 7 en l’occurrence.
L’amende de 997,4 millions d’euros infligée tient compte de la durée et de la gravité de l’infraction, mais elle vise également à dissuader les acteurs du marché de se livrer à de telles pratiques anticoncurrentielles à l’avenir, indique la Commission européenne. Le montant représente 4,9 % du chiffre d’affaires de Qualcomm en 2017 (Bruxelles peut fixer le montant de l’amende jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires au maximum).
Depuis deux ans, Qualcomm a fait l’objet de condamnations par les autorités de plusieurs pays à propos de ses pratiques commerciales — Chine, Corée du Sud, États-Unis, Taiwan. À chaque fois les amendes s’élèvent à plusieurs centaines de millions de dollars. Rien qu’au second semestre 2017, Qualcomm a fait appel de sa condamnation à Taiwan (773 millions de dollars) et en Corée du Sud (912 millions de dollars). L’entreprise n’a pas encore commenté l’amende européenne.
Qualcomm et Apple sont par ailleurs brouillés depuis l'année dernière pour une affaire de montants de licences. Le fabricant de l'iPhone a attaqué en justice aux États-Unis son fournisseur au motif que le mode de calcul des royalties à payer pour ses inventions est trop élevé.
Mise à jour à 14 h : Qualcomm va faire appel de la décision de la Commission européenne. « Nous sommes confiants dans le fait que cet accord ne violait pas les règles européennes sur la concurrence », déclare Don Rosenberg, responsable des affaires juridiques de l'entreprise.