Réunis à Londres, les pays du G7 ont trouvé un accord en faveur d’une réforme de la fiscalité mondiale, à l’issue d’une réunion-fleuve qui s’est achevée samedi. Les ministres des Finances de sept des dix plus grandes puissances économiques de la planète1 s’engagent pour une remise à plat des règles fiscales concernant les multinationales, et pour l’instauration d’un taux d’imposition des entreprises « d’au moins 15 % ».
Ce projet repose d’abord et avant tout sur une petite révolution fiscale, qui signerait la fin d’une certaine conception des paradis fiscaux, en modifiant les règles de calcul et de répartition des impôts des entreprises multinationales. Les entreprises seraient forcées de payer leurs impôts dans les pays où elles réalisent leur chiffre d’affaires, et non plus dans les pays où elles ont installé leur siège social.
Les grands argentiers des membres du G7 proposent, à la suite des propositions des États-Unis, de commencer par les cent plus grandes entreprises multinationales dégageant une marge bénéficiaire d’au moins 10 %. Une part de 20 % des bénéfices dépassant ce plancher serait « réallouée » et imposée dans les pays où ces entreprises opèrent. Cette mesure concernera les géants de la Silicon Valley, et devrait toucher une demi-douzaine de groupes français.
Après deux ans de négociations soutenues par l’OCDE, les esprits étaient préparés à l’idée d’un taux d’imposition minimum. Janet Yellen, secrétaire au Trésor américain et ancienne présidente du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, avait avancé le chiffre de 21 %. Le consensus s’est finalement établi sur un taux de 15 %, « trop bas » pour l’ONG Oxfam, « un point de départ » pour Bruno Le Maire.
Alors même qu’il militait en faveur d’un taux de 12,5 %, le ministre français des Finances salue « un accord historique ». « La France peut être fière ! », assure le concepteur de la « taxe GAFA », pour tenter de faire oublier la magistrale leçon de géopolitique donnée par les États-Unis. Joe Biden veut financer son vaste programme d’infrastructures par une augmentation drastique du taux d’imposition des entreprises, qui pourrait passer de 21 à 25 %, voire 28 %.
En reprenant à son compte l’idée d’un plancher fiscal, l’administration américaine s’est arrogé le leadership moral tout en vidant le contenu de la « taxe GAFA », avec l’assurance de provoquer d’interminables palabres à Bruxelles. Les pays de l’Est veulent conserver leurs dérogations fiscales, et l’Irlande, qui abrite le siège de nombreuses multinationales américaines dont Apple, a déjà fait savoir son opposition.
Sur l’ile d’Émeraude, le taux d’imposition moyen des entreprises s’établit à 12,5 %, précisément le taux proposé par Bruno Le Maire. Le ministre des Finances assure aujourd’hui vouloir se « battre pour que ce taux d’imposition minimal soit le plus élevé possible ». Avec un taux de 15 %, la France pourrait récupérer jusqu’à 4,3 milliards d’euros supplémentaires d’impôts sur les multinationales étrangères, un chiffre qui serait quadruplé avec un taux de 21 %.
« Un taux d’imposition minimum mondial de 15 % est bien trop faible pour mettre fin à la course au moins-disant fiscal en matière d’impôt sur les sociétés et pour lutter efficacement contre les paradis fiscaux », assure Jose Antonio Ocampo, professeur à la Columbia University et président de l’ICRICT. « Il est crucial que des nations telles que les grands pays européens prennent un engagement plus ambitieux, comme le font les États-Unis, pour aller au-delà de ce minimum mondial », ajoute Joseph E. Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie.
Mais avant, il faudra déjà convaincre les autres pays de s’entendre sur le cadre global. Ce projet sera probablement au menu des discussions du prochain cadre inclusif sur « l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices » de l’OCDE, qui regroupera 139 pays le 30 juin et le 1er juillet, avant une présentation lors du G20 Finances, qui se tiendra les 9 et 10 juillet prochains à Venise.
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États-Unis, Allemagne, Japon, France, Royaume-Uni, Italie, Canada. ↩︎