Eyeo remue le secteur des bloqueurs de pub, déjà en pleine ébullition depuis l'arrivée d'iOS 9 et de ses capacités de blocage de contenu. L'éditeur d'Adblock Plus, leader sur les ordinateurs, a annoncé le ralliement de deux solutions concurrentes à ses « publicités acceptables » et un changement majeur dans la gestion de cette liste blanche controversée.
Crystal et AdBlock adoptent les « publicités acceptables » d'Adblock Plus
Crystal, un des bloqueurs de pubs pour iOS 9 les plus populaires, va prendre en charge les « publicités acceptables » d'Eyeo. Cela signifie que les utilisateurs de l'application verront à nouveau des publicités dans Safari par défaut — une option sera présente pour toutes les masquer.
Environ 70 entreprises, dont Google, Microsoft, et Taboola, payent l'éditeur allemand pour que leurs pubs soient définies comme « acceptables » et ne soient ainsi pas bloquées par défaut.
Pour cette intégration, le développeur de Crystal va toucher de l'argent. « Vous avez bien entendu : nous payons [les développeurs supportant les "publicités acceptables"]. Et comment (hell yes), nous les payons ! Nous sommes fiers de pouvoir le faire », déclare Eyeo dans un communiqué.
Pourtant, il n'y a pas si longtemps, le son de cloche était tout à fait différent. Mi-septembre, nous révélions que le créateur d'Adblock Plus courtisait les développeurs iOS pour étendre sa liste blanche aux apps tierces (lire : Info iGen : Adblock Plus veut acheter les bloqueurs de pub pour iOS 9). Interrogé à ce moment-là, le porte-parole Ben Williams avait démenti tout partenariat avec les développeurs.
Deux semaines plus tard, Ben Williams officialise donc avec fracas l'existence de partenariats et de rémunérations en monnaie sonnante et trébuchante. Le porte-parole ne va pas jusqu'à donner le montant de la rémunération, mais on le fait pour lui.
Selon nos informations, Eyeo a proposé un montant forfaitaire de 1 000 € par mois à un développeur pour commencer. Si le bloqueur de pub dépasse le million d'utilisateurs, cette somme mensuelle est multipliée par 5. De plus, l'entreprise prend une option pour acheter l'application à n'importe quel moment pour plusieurs dizaines de milliers d'euros et fait miroiter un emploi en cas de gros succès.
D'après des échos que nous avons eus, ce partenariat spécifique entre Crystal et Adblock Plus n'est pas vu d'un bon œil chez Apple, où l'on regrette que le développeur indépendant qui s'était exprimé en faveur de la protection de la vie privée accepte finalement d'afficher des publicités qui ne respectent pas le standard Do Not Track.
Crystal n'est pas le seul à s'associer avec Eyeo. AdBlock (sans le « Plus » et avec un « B » majuscule), une extension Chrome et Safari très populaire (40 millions d'utilisateurs selon son créateur), prend dès maintenant en compte la liste blanche d'Adblock Plus.
Dans un message récemment adressé aux utilisateurs, le créateur d'AdBlock explique qu'un changement dans la gestion des « publicités acceptables » l'a convaincu de finalement les adopter.
Je n'ai pas aimé le fait qu'[Eyeo] contrôle le programme [Publicités Acceptables], car ils sont soutenus par certains annonceurs des Publicités Acceptables. Maintenant, Adblock Plus va transférer la tutelle du programme Publicités Acceptables à un groupe d'experts impartiaux. J'aime cette idée.
Michael Gundlach, le créateur d'Adblock, en profite également pour annoncer qu'il a vendu sa société à un nouveau propriétaire qui activera cette liste blanche. L'identité de cet acheteur n'est pas précisée et celui-ci ne souhaite pas qu'elle soit révélée, ont répondu des salariés d'Adblock à The Next Web. Gundlach avait développé Adblock en 2009 et s'y consacrait à plein temps avec son épouse, puis d'autres développeurs, depuis 2011.
Les « publicités acceptables » prochainement « transparentes »
Eyeo vient en effet d'annoncer qu'il allait déléguer la gestion des « publicités acceptables » à un « comité totalement indépendant » regroupant des représentants des médias, des entreprises de marketing, des agences de publicité et des consommateurs. Il s'agit de faire passer à l'étape supérieure son projet de « changement de l'industrie de la publicité », mais aussi de faire taire les accusations à son encontre.
« Les critiques peuvent arrêter d'utiliser le mot "extorsion", merci », écrit le porte-parole Ben Williams en faisant référence aux opposants qui dénoncent le système de « publicités acceptables » comme du racket.
Eyeo définit d'ores et déjà publiquement ce que sont les « publicités acceptables » ; sommairement, ce sont des pubs statiques, de préférence textuelle, qui ne doivent jamais gêner le contenu et qui doivent être clairement identifiées comme telles. Mais tout ce qui entoure cette définition (publicitaires faisant partie du programme, méthodes de sélection, montants à payer...) est opaque.
En dissociant les « publicités acceptables » d'Adblock Plus, Eyeo fait la promesse de « plus d'indépendance et de transparence. » Le comité, qui devrait être mis en place au premier semestre 2016, pourra notamment modifier les critères de la liste blanche comme il l'entend.
L'éditeur allemand dit avoir déjà contacté plusieurs personnes pour faire partie de l'initiative, sans préciser leur nom. Il appelle également toutes les personnes intéressées à se manifester.
La composition et le fonctionnement de ce comité, d'ores et déjà autoproclamé garant des règles de bonne conduite de la publicité en ligne, seront à surveiller pour voir si la promesse d'indépendance et de transparence est bien respectée.