À en croire les chiffres du premier semestre, 2019 promet d’être une annus horribilis pour les fabricants d’appareils photo. Le marché pourrait bien tomber sous les 15 millions d’unités vendues, du jamais vu depuis que la CIPA1 comptabilise les ventes d’appareils numériques. La concurrence des smartphones, il est vrai, n’a jamais été aussi forte.
Qu’il est loin, le temps où les principaux fabricants vendaient plus de 120 millions d’appareils chaque année, et se partageaient plus de 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires ! L’an dernier, moins de 20 millions d’appareils photo numériques ont trouvé preneur. En dix ans, le chiffre d’affaires des cinq plus grands fabricants a été divisé par trois.
Ce déclin a touché durement les compacts, dont les ventes ont été divisées par deux entre 2011 et 2013, puis à nouveau entre 2013 et 2015, et une nouvelle fois entre 2015 et 2018. Alors qu’ils représentaient plus de 90 % des ventes d’appareils photo, ils représentent moins de la moitié des achats désormais, un fait inédit dans l’histoire de la photographie numérique.
Le coupable est trouvé : le smartphone, dont les courbes de vente sont le miroir parfait de celles des compacts, et dont les capacités dépassent aujourd’hui celles des modèles les plus perfectionnés. Mais ce déclin ne touche pas seulement les compacts : les ventes de boitiers reflex baissent régulièrement depuis 2012.
Seules les ventes des autres appareils à objectifs interchangeables, qu’il s’agisse de télémétriques ou — surtout — de boitiers mirrorless, tiennent bon. Des itérations annuelles chez Sony au retour du moyen format chez Fujifilm, en passant par le petit couteau suisse photographique fp chez Sigma, ce segment est encore un terreau d’innovation. Mais après trois années de croissance modeste, la tendance pourrait bien s’inverser dès cette année.
Fait remarquable : le prix moyen des appareils, que leurs objectifs puissent être changés ou pas, monte progressivement. Alors qu’il était passé sous les 10 000 yens au début des années 2010, le prix moyen d’un compact est remonté à 18 000 yens l’an dernier (env. 150 €). Les grands fabricants japonais désertent l’entrée de gamme, abandonnée aux autres pays asiatiques, mais s’adressent aux enthousiastes et aux vloggers avec des boitiers toujours plus perfectionnés.
De la même manière, après être tombé sous les 35 000 yens en 2011, le prix moyen d’un appareil à objectif interchangeable a dépassé la barre des 50 000 yens en 2018 (env. 450 €). Les prosumers, ces amateurs qui achètent du matériel de professionnels, n’arrivent plus à suivre. D’autant que, comme le remarque l’investisseur (et photographe amateur) Om Malik, « même ceux qui peuvent s’offrir les gros appareils de 60 à 100 Mpx marquent le pas. Après tout, cela implique aussi de s’acheter un ordinateur plus puissant. »
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La grande association des fabricants d’appareils photo, essentiellement japonais. Les chiffres de la CIPA intègrent les ventes de Canon, Nikon, Olympus, Panasonic, Fujifilm, Sony, Sigma, Ricoh (dont Pentax), et Xacti (Sanyo). Ils offrent une bonne vision d’ensemble du marché, même s’ils ne comptent pas les ventes d’appareils à très bas prix, ni celles des rares fabricants européens. Apple est supporting member de la CIPA, comme Adobe et Microsoft. ↩